Pourquoi j’ai décidé de ne pas figurer dans l’annuaire Doulas de France

Pourquoi j’ai décidé de ne pas figurer dans l’annuaire Doulas de France

A l’issue de ma formation de doula, j’avais la ferme intention d’adhérer à Doulas de France (« DDF ») et de figurer dans l’annuaire. C’était la continuité naturelle de ma formation, deux des formatrices de l’Institut de formation Doulas de France (« l’Institut »), sont membres fondatrices de DDF, elles ont œuvré sans relâche depuis de longues années pour installer les doulas dans le paysage de la périnatalité en France, pour soutenir et redonner le pouvoir aux femmes dans leurs parcours de maternité, elles ont été parmi les personnes les plus inspirantes pour moi cette année. Forte de cette année de formation exceptionnelle par la richesse des rencontres, des contenus, des introspections, des prises de conscience parfois douloureuses mais toujours salutaires, j’avais confiance dans DDF pour m’accueillir en son sein, me soutenir dans mes premiers pas de doula…seulement voilà, ça ne s’est pas passé comme ça….

Le 4 juillet, fraîchement certifiée par l’Institut, j’adhère à DDF et je demande une reconnaissance d’équivalence de formation…je suis un peu surprise puisque j’ai justement choisi l’Institut car c’est la formation historique de doulas en France, elle a été mise sur pieds par certaines des fondatrices de DDF, et son programme de formation est la base d’évaluation des autres formations qui ont fleuri ces dernières années….donc pourquoi demander une équivalence alors que j’ai suivi l’original ? J’aurais espéré que le pont entre l’Institut et DDF soit, sinon automatique, du moins naturel et sans tracas administratifs. Seulement voilà, ce n’est que le début.

Je laisse passer l’été, très occupée par mon projet normand, et j’envoie mon certificat de doula le 2 septembre à l’équipe Equivalence et l’équipe Annuaire, ainsi qu’à la doula en charge des demandes d’information. Le 7 septembre, je reçois un mail d’une doula, envoyé depuis son adresse perso – je comprends qu’elle est bénévole à DDF via sa signature uniquement. Je la désignerai sous le terme « doula-béné ». Elle n’était pas dans la boucle de mails initiale et je ne comprends pas très bien quel est son rôle auprès de DDF. Elle me demande de retourner la charte signée et de répondre à des questions posées dans le corps du mail, redondantes avec la charte, hormis la dernière portant sur le cloisonnement entre l’activité de doula et d’autres activitiés à caractère thérapeutique – qui ne me concerne pas. Je m’exécute de bonne grâce, bien que je ne comprenne pas l’intérêt de cette paperasse complémentaire, puisque tout est déjà dans la charte, charte je signe de manière totalement éclairée puisque, lors de la formation, nous avons beaucoup abordé cette charte,  deux de nos formatrices ayant été été co-rédactrices de celle-ci…nous ne pouvions pas rêver meilleure explication de texte.

Le 11 septembre, je retourne à doula-béné la charte signée, et les réponses aux questions.

Le 16 septembre, échanges sur le whatsapp de ma promo de doulas, je constate que nos demandes d’inscription dans l’annuaire sont TOUTES en souffrance à différents stades de la procédure (que nous découvrons au fur et à mesure), y compris pour celles qui ont envoyé leur certificat bien plus tôt que moi (dès juillet). Nous recoupons les réponses que nous avons reçues et constatons que nous n’avons pas toutes la même adresse mail de contact, il semble que la « bonne » (=celle qui répond) soit celle qui m’a écrit, doula-béné. Donc celles qui n’ont pas envoyé leurs documents à doula-béné décident de lui envoyer leur dossier. J’en profite pour relancer doula-béné car je n’ai pas reçu de nouvelles depuis mon mail du 11/09. Elle me répond qu’elle ne parvient pas à ouvrir la charte, mea culpa, le format des images n’est pas standard (HEIC) – je la renvoie au format JPG. Doula-béné me confirme qu’elle peut lire mon fichier et me dit qu’elle s’en occupera le lendemain. Je la remercie et suis soulagée que cela avance, et d’avoir obtenu un engagement sur un retour le lendemain (le 17/09).

Seulement….ça ne s’est pas passé comme ça. Aucune nouvelle le 17/09. Je relance le 18/09 : « Bonjour doula-béné, J’espère que tu vas bien ☺️. Peux-tu me dire quand je pourrai créer ma fiche dans l’annuaire ? Merci beaucoup et très bonne journée ! »

Pas de réponse.

Je relance de manière un peu musclée le 24/09 : « Bonjour doula-béné, je n’ai pas du tout envie de m’énerver, mais j’avoue que je commence à trouver le temps long…Peut-être as-tu oublié ? ».

Pas de réponse.

Le 9 octobre, je décide de repartir d’une page blanche et de remettre dans la boucle les personnes qui y étaient initialement.

« Bonjour à toutes,
n’ayant plus aucune nouvelle depuis plusieurs semaines concernant ma demande d’inscription dans l’annuaire je crains que celle-ci n’ait été oubliée ou perdue.
Je me permets donc de remettre dans la boucle toutes les personnes avec lesquelles j’ai été en relation au cours de ce process, au risque d’en spammer quelques-unes, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.
Vous avez normalement dans ce mail toutes les informations nécessaires afin de m’ouvrir accès à l’annuaire, à savoir : la réponse aux questions (ci-dessous), les 2 pages de la charte signées par mes soins, le certificat de doula remis par l’institut de formation doulas de France.
Je vous remercie par avance de bien vouloir faire le nécessaire afin que je puisse enfin apparaître dans l’annuaire….« 

Ça marche !!! Enfin ! Et même doublement puisque, le 10 octobre, je reçois deux réponses distinctes de doula-béné, me demandant les informations pour la parution dans l’annuaire : l’une, non personnalisée, à mon mail de la veille, et l’autre à ma relance gentiment musclée du 24/09 :

« Bonjour Cécile,
Effectivement s’énerver ne changera rien….Une donnée est souvent oubliée par nos adhérentes : nous sommes toutes bénévoles et faisons du mieux que nous pouvons afin de vous combler et d’œuvrer au sein de l’association DDF. Vous êtes environ 250 adhérentes qui ne communiquent pas avec des robots mais avec des humains, au vu de notre métier le soutien, la bienveillance et la compréhension seraient plus adaptés à mon sens. Nous ne sommes pas une entreprise qui vendons nos services mais une association de passionnée qui en tout cas en ce qui me concerne y œuvre depuis 13 ans. »

Alors là, j’avoue que je me sens…un peu…non…très énervée à la lecture de cette réponse au ton jugeant et moralisateur, alors que j’ai bridé moi même au maximum l’expression de mon agacement au cours des différents échanges, justement parce que je tenais compte du fait que mes interlocutrices étaient doulas bénévoles (donc méritant double dose de bienveillance). En bonne doula qui se respecte, j’accueille mon émotion et je la contemple car elle me semble juste et digne d’être exposée, voici pourquoi :

– doula-béné me fait la morale sur ce que signifie qu’être bénévole. Or, je sais ce que c’est : j’ai été responsable du groupe scout de mes enfants durant 3 ans, assumant la fonction d’encadrement de l’équipe de chefs et de parents bénévoles, j’étais en contact régulier avec les parents des jeunes, par mail tous les soirs, parfois par téléphone, et j’ai eu à cœur d’exercer cette fonction de bénévole avec autant de professionnalisme et de dévouement que mon activité professionnelle. Alors, oui, après 3 ans j’étais rincée et j’ai passé la main, car je ne voulais pas risquer de me démotiver, de faire moins bien mon boulot de bénévole et que cela nuise au groupe scout.

– doula-béné m’accuse en filigrane de manque de compréhension alors que DDF, par la durée et le caractère fastidieux du process d’accueil des nouvelles doulas dans l’annuaire, ne témoigne guère de compréhension vis-à-vis des préoccupations de nouvelles doulas qui comptaient sur l’inscription dans l’annuaire DDF pour démarrer leur activité professionnelle et se faire connaître. Je peine à discerner le soutien et la bienveillance dans cet accueil qui nous est réservé – en résumé, nous, doulas postulantes à DDF, sommes sommées d’être gentilles et bienveillantes, mais devons nous soumettre à un traitement qui manque de compréhension et de bienveillance, que nous avons accepté jusque-là afin d’obtenir le graal de l’inscription dans l’annuaire….

– en arrière-plan, je vois le paysage des doulas tel qu’il est aujourd’hui, concurrentiel puisque mal rémunéré, non reconnu par l’Etat et les professionnels de santé, et tombant dans la jungle du business du bien-être, proposant des soins rebozo, des massages, de la peinture sur ventre, du mama blessing etc etc (toutes activités nécessaires pour subventionner les accompagnements individuels peu rémunérateurs bien que hautement bénéfiques pour la femme, le co-parent, l’enfant….bref, la SOCIÉTÉ toute entière). Au risque de me tromper, je vois des doulas déjà installées dans ce business, qui ont peut-être peur de voir toutes ces nouvelles doulas débarquer, et je peux comprendre cette peur – il n’y a sans doute pas de place pour tout le monde, trop de doulas formées suite à l’inflation sur le marché des formations de doulas, un bon filon semble-t-il….l’Institut en fait les frais cette année…et là, une autre émotion me gagne, la tristesse.

Tristesse que l’état d’esprit d’origine du beau mouvement des doulas, qui voulait redonner du pouvoir aux femmes dans leur parcours d’enfantement (et qui y a contribué), soit en cours de dilution dans le marché du bien-être….Tristesse que beaucoup de doulas se soient trouvé une petite niche qui n’embête pas les professionnels de santé rétif.ve.s à l’évolution des pratiques pour plus de coopération avec les patientes –iels ne le sont pas tous.tes, heureusement, beaucoup sont à l’écoute-, et que ces doulas se contentent de cette niche, vendant (un peu) leur âme pour exister et gagner leur croûte, et je serais très mal placée pour leur jeter la pierre, moi qui ai longtemps vendu la mienne au grand capitalisme, et qui en ai été très satisfaite durant de longues années.

Seulement voilà, lorsque j’ai tourné la page de cette vie en (très) grande entreprise, je voulais retrouver mon âme (au moins partiellement), et je ne dérogerai pas à ce vœu formulé pour moi, donc j’ai décidé d’arrêter de faire la danse du ventre pour figurer dans cet annuaire, qui en outre interdit tout lien vers site ou blog pro – un comble, s’agissant d’un annuaire pro !!

Tout cela relance à plein régime mon process de réflexion sur la manière dont je vais être doula, dans le respect de l’état d’esprit des origines….et pour cela, je sais à présent que je n’ai pas besoin de l’association DDF telle qu’elle s’est montrée durant ce processus : le manque de professionnalisme et de bienveillance dont elle a fait preuve sont pour moi rhédibitoires. En revanche j’ai besoin de ma promo de doulas et de mes formatrices, et je sais que toutes seront là pour moi, animées par le feu de la sororité et l’envie de donner aux femmes le pouvoir qui leur revient lorsqu’elles deviennent mères et traversent les étapes cruciales de leurs vies de femmes.

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Post-scriptum du 16 octobre : j’ai rédigé cet article sous le coup de la déception et de la frustration, d’où son ton assez virulent. J’ai envisagé de le supprimer, l’adoucir, le polir, et j’ai décidé de le conserver ainsi suite au commentaire d’Orphée, l’une de mes consoeurs doulas de promo, il reflétait mon état d’esprit et celui de mes réflexions à un instant « t », je l’assume et, même si la colère et l’énervement sont retombés, mes interrogations sur la place de la doula dans la société française sont bien entières. Je n’ai aucune animosité envers les doulas avec lesquelles j’ai été en relation durant le process, je n’ai repris ces échanges que parce qu’ils sont, à mon avis, révélateurs de l’impasse dans laquelle le beau mouvement des doulas est engagé : tiraillement entre militantisme au service des femmes, y compris les consœurs doulas et nécessité de gagner sa vie.

Afin de clore le sujet, voici le mail envoyé pour informer DDF de ma décision de ne pas paraître dans l’annuaire :

J’ai pris le temps de réfléchir avant de répondre à ton dernier mail.
En effet, celui-ci a confirmé les nombreux questionnements qui m’ont traversée tout au long du process d’intégration dans l’annuaire DDF. En toute sincérité, je ne me suis pas sentie accueillie, soutenue, sécurisée (et ce sentiment est partagé par plusieurs de mes doulas de promo) : la procédure est opaque, nous en découvrons les différentes étapes au fur et à mesure, ce qui empêche de se projeter (notamment les règles sur les informations à faire figurer dans l’annuaire, très restrictives, en particulier sur l’interdiction du renvoi aux sites web et autres réseaux sociaux). Il me semble que ces règles devraient être communiquées dès le début afin de savoir à quoi s’attendre. L’incertitude sur le délai de traitement du dossier, et donc de parution dans l’annuaire est très dommageable pour le démarrage de l’activité de doula – je comprends, au regard du caractère bénévole des personnes en charge, que ce délai soit long – mais un engagement pourrait être pris dès le départ (par exemple : deux mois, trois mois ou autre), ce qui permettrait de savoir à quoi s’attendre et de s’organiser en fonction. Il me semble que ce sont des besoins bien élémentaires (sécurité, information sur les règles afin de prendre sa décision de manière éclairée, délai de traitement afin d’organiser sa comm. en conséquence) qui n’ont pas été satisfaits et cela me chagrine car c’est antagoniste avec ma vision de la posture de doula.

Ma confiance dans la capacité de DDF à m’accueillir en toute bienveillance et à m’apporter du soutien était déjà bien émoussée par ce process long, fastidieux et difficile à appréhender, elle s’est évanouie je l’avoue lorsque j’ai pris connaissance de ton dernier mail que j’ai ressenti comme une injonction à faire taire mes sentiments de frustration, de déception et à accepter d’être traitée ainsi en échange d’une hypothétique inscription dans l’annuaire. Je comprends parfaitement ce qu’est le bénévolat, et ton long engagement est tout à ton honneur, et je respecte le sentiment de frustration, et peut-être d’épuisement qui ont inspiré ta réponse. J’ai moi même été bénévole il y a quelques années, au sein de l’association Scouts et Guide de France, j’étais responsable du groupe dans lequel étaient inscrits mes enfants. J’assumais la fonction d’encadrement de l’équipe de chefs et de parents bénévoles, j’étais garante du respect des règles de sécurité et de bien-être des jeunes, et j’étais en contact régulier avec les parents des jeunes, par mail tous les soirs, parfois par téléphone. Ce fut une expérience magnifique mais intense, épuisante, et après trois ans j’ai pris la ferme décision de passer la main (bien qu’aucun successeur ne se soit présenté) car je sentais le risque de mal remplir mes fonctions, de perdre patience vis-à-vis des chefs, ou des parents qui pourraient se montrer un peu pénibles, et de mal accueillir leurs difficultés.

J’ai donc décidé de me respecter, et de ne plus me soumettre à cette procédure car je commençais à y perdre ma foi dans le métier de doula.
Je ne donne donc pas suite à la demande de parution dans l’annuaire. Je pense qu’il serait logique que je sois remboursée du montant de l’adhésion, mais je n’aurai pas la force de me battre pour obtenir ce remboursement, donc je ne relancerai pas, mais ce serait tout à l’honneur de DDF de procéder à ce remboursement, et par là même de reconnaître que la promesse d’accueil et de soutien n’a pas été tenue.

Comment j’en suis arrivée là?

Comment j’en suis arrivée là?

Ici je parle de moi, et je vous encourage à lire ces lignes pour évaluer si vous pensez que nous pourrons former une bonne équipe. Il me semble essentiel de passer par cet exercice de présentation afin que vous soyez convaincu.e.s que, lorsque nous serons ensemble, et que je vous accompagnerai dans les périodes de vie pour lesquelles vous m’aurez sollicitée, ce sera de vous et uniquement de vous qu’il s’agira, puisque je me suis déjà occupée de moi.

Je m’appelle Cécile, j’ai un peu plus de 50 ans, et je commence une nouvelle vie, qui m’apparaît comme une seconde naissance, et donc un appel à transformer un peu mon prénom, à le marier à mes deuxième et troisième prénoms…ceux de mes grands-mères, Jeanne et Olga. Donc…je suis Cécile Janolga.

Ce lien que je noue entre mon prénom et ceux de mes grands-mères aujourd’hui décédées me tient à cœur, car, après un long parcours d’introspection et de questionnements de mon chemin de vie, je sais que c’est d’abord à elles que je dois ma résilience, celle qui m’a ouvert la porte de cette nouvelle étape de ma vie, c’est grâce à leur amour inconditionnel reçu depuis la toute petite enfance et jusqu’à leur départ que j’ai grandi et accumulé en moi un sentiment de sécurité suffisant pour finalement parvenir à dépasser mes peurs, mes blocages, mes impossibilités, mes autocensures.

Mes grands-mères ont pallié en partie les graves dysfonctionnements du couple de mes parents, dans lequel les besoins des enfants étaient largement piétinés. J’ai émergé de cette enfance traversée dans le silence et l’obéissance en adulte meurtrie, vulnérable, manquant de confiance en elle face aux autres. Mais j’ai aussi eu la chance de suivre un parcours scolaire jalonné de succès, et grâce à cela j’ai fait de bonnes études et j’ai rencontré la réussite professionnelle et obtenu beaucoup de reconnaissance tout au long d’une carrière de presque 30 ans en finance et comptabilité d’entreprise.

Jusqu’à ce que, dans les dernières années, je sois rattrapée par la violence sourde et la pression institutionnelles sévissant dans le monde du travail, qui m’ont faite glisser dans une souffrance à bas bruit que j’ai longtemps niée, reléguée au second plan, jusqu’à me trouver aux bords du burnout début 2022. J’ai alors réalisé que ce n’était plus possible.

Mais ce long parcours en entreprise m’a aussi considérablement enrichie, car j’y ai croisé des personnes extraordinaires, au contact desquelles j’ai grandi, je me suis épanouie, j’ai appris et, sans le savoir, je me suis préparée à bifurquer sur une autre route. Ces personnes ont partagé avec moi leur énergie, m’ont offert leur soutien, leurs joies, leurs peines et leurs frustrations, et aujourd’hui, c’est forte de toutes ces relations singulières que je progresse.

J’ai donc quitté ce monde de la grande entreprise en janvier 2023 pour explorer une autre route, celle de l’authenticité dans les relations aux autres, de la reconnexion à nos racines et notre environnement, celle de la juste part pour chacun, ni trop ni trop peu.

Sur cette route, jalonnée de rencontres et d’imprévus, nous avons trouvé, avec Damien mon époux et meilleur soutien, une ancienne ferme, en Normandie, dans laquelle je cultive mon potager, où je vagabonde avec mes pieds et mes pensées, où j’apprends à reconnaître les plantes sauvages pour en faire des salades et des infusions, où je pratique le Qi Gong au milieu du champ sous le regard de vaches dubitatives, et où je badigeonne les murs d’enduits à base de terre et de pigments naturels et bien d’autres choses encore…

Sur cette route qui balance entre Paris et la Normandie je chemine aux côtés des Doulas, mes généreuses formatrices au sein de l’Institut des Doulas et France, et mes extraordinaires co-stagiaires, qui explorent comme moi de nouveaux horizons pour leurs vies. Nous échangeons beaucoup et nous enrichissons mutuellement. Le choix de m’engager dans la formation de doula avec l’Institut de Formation des Doulas de France s’est fait de manière instinctive, sur un coup de tête. C’était l’aboutissement logique de mon parcours de guérison d’une enfance un peu chahutée. A présent que je peux vivre en paix avec cette enfance j’ai envie de me placer aux côtés de futurs parents, et donc de futurs enfants parce que, pour accueillir son enfant et lui donner tout l’amour et la sécurité dont il a besoin pour grandir, les parents doivent eux aussi se sentir en sécurité, en confiance, en pleine possession de leurs moyens et en maitrise de leurs choix dans ce jalon majeur de leurs existences.

Sur cette route je sens aussi mon corps se relier à l’énergie des autres étudiants de la formation en Qi Gong dans laquelle je suis engagée aux Temps du Corps, et cette formation m’entraîne sur une route adjacente, spirituelle, mêlant sagesses orientales et occidentales, que je commence à peine à découvrir.

Souvent je fais une halte pour écrire, dessiner, poser un trait sur le papier à l’encre, au crayon, à la plume, et attendre de voir où il m’emmène…je suis portée par l’énergie nourricière de la terre grasse et sombre de Normandie, par les rencontres effectuées durant mes formations, par les explorations créatives que ce soit sur papier, ou en travaillant la laine, l’osier, les matériaux de récupération, les feuilles séchées…

Je crois que j’ai aujourd’hui dépassé la majorité des blocages qui m’entravaient depuis l’enfance, et je contemple avec gratitude mon horizon tellement élargi vers des activités telles que l’accompagnement de futurs parents en tant que Doula, l’accueil de personnes dans ma ferme normande (Visitez la FaireM’Elem), le recueil des récits de personnes désireuses de coucher sur papier les temps forts de leurs existences, qu’il s’agisse de moments heureux ou difficiles, afin de passer cette mémoire à leurs proches avant qu’il ne soit trop tard….

Merci d’avoir pris le temps de venir à ma rencontre à travers la lecture de ces lignes.

Une doula, pour quoi faire…et à quel prix?

Une doula, pour quoi faire…et à quel prix?

Une doula, pour quoi faire…et à quel prix ?

Une doula…généralement on ne sait pas qu’on en a besoin, d’ailleurs en a-t-on vraiment besoin ? On peut faire sans, j’ai fait sans, j’ai eu trois enfants et affronté un deuil périnatal sans doula, je m’en suis sortie, mes enfants semblent aller bien, je garde un excellent souvenir de mes grossesses, et un bon souvenir de mes accouchements et des séjours en maternité, avec quelques bémols pour chacune d’entre elles. Les post partums se sont passés, j’ai fait face sans trop me poser de questions, avec des difficultés surmontées tant bien que mal, personne n’en est mort…avais-je vraiment besoin d’une doula ? J’ai fait sans, comme toutes mes amies, nous nous sommes débrouillés avec mon mari, mais nous aurions aussi pu faire avec et sans doute aurions nous fait les choses autrement si nous avions eu une doula à nos côtés. Qu’est-ce que ça aurait changé ? Nous ne le saurons jamais…

Choisir une doula, est-ce donner sa chance à l’immatériel ?

A y bien réfléchir, peut-être que le coût aurait été un obstacle mais avec le recul j’ai reçu tant de cadeaux inutiles, de vêtements de marque portés une ou deux fois maximum, du matériel de puériculture que j’aurais pu me faire prêter, toutes ces dépenses auraient pu être évitées et l’argent ainsi économisé aurait pu être utilisé pour rémunérer une doula, car quel meilleur investissement que mon bien-être physique et psychique ainsi que celui de mon mari et de mes enfants ? C’est un investissement pour la vie, pas simplement un vêtement ou un objet qui ne sert que quelques mois. Mais c’est immatériel, impalpable, pas concret, je sais que je suis (j’aimerais écrire « j’étais » mais ce serait prétentieux) la première à survaloriser le matériel au détriment de l’immatériel. Et pourtant…pourtant, c’est l’immatériel qui produit des effets à très très long terme dans les plus intimes recoins de notre être, c’est l’immatériel qui nous fait croître en sagesse et en humanité, or on sait à présent à quel point les conditions de la grossesse, de la naissance, et des premiers mois de vie sont primordiaux dans le développement de l’enfant. Mais comment savoir qu’on a besoin d’une doula, alors que souvent on ne sait même pas que cela existe.

S’engager avec une doula, un pari irrationnel et risqué ?

Tant qu’on n’a pas essayé, comment savoir ? Et même si on essaye, on ne pourra jamais comparer à la version « sans doula », évidemment, donc on ne saura jamais comment ça se serait passé si on n’en avait pas eu. Mais est-ce si important ? On ne connaitra jamais le rapport qualité prix d’une doula. Une doula ce n’est pas un objet, c’est une relation, c’est faire injure à l’humanité de parler de rapport qualité prix dans ce contexte. Mais, si on s’est senti respecté.e.s, si on était à l’aise avec les choix effectués durant la grossesse, l’accouchement, le post-partum, si on a été entendu.e.s à chaque fois que cela était nécessaire, si nos besoins et ceux de notre enfant ont été reconnus et satisfaits alors c’est que tout s’est bien passé, c’est qu’on a pleinement investi ce passage de vie, et que l’enfant a été accueilli.e au sein de l’écosystème le plus favorable qui soit, c’est qu’on lui a offert le cocon sensoriel et émotionnel le plus adapté possible pour ses premiers pas dans la vie. Donc, peu importe de savoir si on aurait pu faire aussi bien sans doula, peut-être que oui c’est tout à fait possible. Mais la question ne se pose plus lorsqu’on est en paix avec la manière dont tout s’est passé. Se faire accompagner par une doula, c’est certes un pari, il y a une part d’irrationnel, un élan inexplicable auquel on s’abandonne sans avoir de filet de sécurité, comme à chaque fois qu’il s’agit d’aller vers l’humain et non vers le matériel, d’entrer en relation, surtout dans un passage aussi existentiel que celui de la transmission de la vie, c’est à chacun.e d’évaluer si ce « risque » (je n’ose parler de « chance » cela pourrait paraître biaisé) vaut la peine d’être pris pour elle, lui, l’enfant à naître, les autres enfants de la fratrie…

On est faites pour ça, non ? alors ça sert à rien ?

Qu’est ce qui aurait été différent si j’avais eu une doula? Depuis que je suis entrée en formation je me pose cette question. Si je veux devenir doula, et je le veux profondément, presque viscéralement, il faut que je sois convaincue de la pertinence d’avoir une doula à ses côtés, sinon comment convaincre ? Comment trouver des familles ? Comment « vendre ma sauce »? Justement c’est ça qui me trouble, vendre ma sauce, vendre une prestation qui devrait être disponible pour toutes les femmes gratuitement à travers leur entourage, mères, sœurs, tantes, cousines, grands-mères, amies… à travers le personnel soignant, sage-femmes, médecins, infirmières, ostéos, kinés…à travers le personnel social, assistant.e.s social.e.s, PMI, structures associatives… Oui mais voilà la doula est là parce qu’il y a des failles dans nos modes d’organisation, dans nos structures familiales et sociétales.

Manque de temps de l’entourage, éloignement géographique, appartements trop petits pour que la mère, la cousine, la sœur, l’amie puisse s’installer durablement chez la femme ayant accouché afin de la seconder pendant la période du post partum, voire, hélas, brouilles, mésententes, désaccords sur les manières d’accueillir et de s’occuper du jeune enfant. Côté personnel de santé, manque de disponibilité pour écouter, rassurer, informer plus largement que sur les pathologies et les risques de la grossesse…un suivi principalement orienté sur la détection et la prise en charge des pathologies, nécessaire, essentiel, mais quand tout « va bien » – oui c’est essentiel de s’assurer que tout va bien je le réécris pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, c’est la base de la base, et les professionnels de santé sont remarquables pour s’en assurer, détecter et affronter les problèmes – mais suffit-il, ce suivi orienté « patho » pour affronter sereinement les bouleversements corporels, psychiques, financiers, logistiques que génère l’attente puis l’accueil d’un enfant? Non, bien sûr que non. Seulement, on l’ignore, on nous fait croire à nous les femmes que ça se fera tout seul, qu’on saura, grâce à notre instinct, oui vous savez bien on est faites pour ça, alors pas la peine de s’alarmer, on s’en sortira comme toutes celles qui nous ont précédées. C’est dans nos gênes il parait. Et on s’en sort, cahin-caha, avec des pets ici ou là, avec des pleurs, des douleurs, des regrets, des monceaux de culpabilité, et quand c’est dur, souvent on n’ose pas le dire, puisqu’on est faites pour ça, alors si on n’y arrive pas c’est qu’on est dysfonctionnelles, nulles, mal organisées, qu’on n’a rien compris…

Et au pire, il y a les livres, les tutos, les podcasts, les copines, internet…

Ben non c’est pas inné, et même parfois cela aurait pu l’être, car l’accès intime que nous devrions avoir aux ressentis de nos corps, ou à ceux de notre bébé peut avoir été mis à mal et même détruit par des vécus difficiles voire traumatiques (j’en fais partie…). Il arrive aussi que nos récepteurs permettant de réagir sereinement aux situations délicates rencontrées sur le chemin de la parentalité aient été endommagés ou déconnectés par des contextes familiaux dysfonctionnels…et nous devons alors improviser notre manière d’être parents sur la base de modèles défoncés, et cela peut conduire à de grandes souffrances. Et, pendant ce temps, alors que nous nous enfonçons dans des galères sans fin, la société, les média, les réseaux sociaux nous présentent des modèles de familles qui ont l’air parfaites, mais qui en vérité sont fantasmatiques, qui ne sont que des vitrines…seulement ça on ne le sait pas. Alors c’est l’angoisse, on part dans des lectures frénétiques, de blogs, de livres, dans des visionnages compulsifs de vidéos, tutos, documentaires, on s’adonne à l’écoute en boucle de podcasts, on construit des tableaux à triple entrée basés sur l’analyse de milliers d’avis utilisateurs pour acheter le meilleur matériel de puériculture, tout y passe…et on se noie. C’est génial d’avoir accès à toute cette information mais c’est un boulot à plein temps de faire le tri, de savoir de quoi on a réellement besoin physiquement, psychiquement, matériellement… Moi j’ai eu la chance d’avoir mes enfants avant le développement d’internet, donc toutes mes infos venaient du fameux « J’attends un enfant » de Laurence Pernoud et des cours de préparation à l’accouchement. Je ne savais pas grand-chose mais au moins je n’étais pas noyée. Avec le recul j’aurais voulu savoir plus, cela m’aurait évité certains écueils. Mais, paradoxalement, l’accès à une information illimitée peut être le meilleur (on trouve tout) et le pire (on se perd et on ne sait plus où on en est). La doula peut être une guide précieuse dans cette jungle informationnelle. Avec sa petite hachette elle va défricher le chemin.

La doula, un pansement sur les plaies de la société ?

Oui, la doula va pallier les défaillances de notre société, et le fait qu’elle existe pointe une forme de faillite dans nos organisations, faillite du lien et de la solidarité intergénérationnelles, faillite de l’accompagnement par la société de l’arrivée des enfants… C’est un triste constat, mais regardons le bon côté des choses, au moins il y a les doulas, elles sont là et elles comblent un peu ce trou béant dans l’accompagnement des familles. Elles adoucissent un tout petit peu l’arrivée des bébés dans ce monde, et ils en ont bien besoin ces tout-petits. Moi, future maman, je n’ai peut-être pas besoin d’une doula, mais mon enfant, peut-être en a-t-il besoin?

Et l’équité dans tout ça ? Tout le monde ne peut pas se permettre de faire appel à une doula…

Malheureusement les doulas coûtent, elles ne sont pas remboursées par la sécu (elles devraient…il est prouvé statistiquement que la présence des doulas réduit de 50% le risque de césarienne, raccourcit de 25% la durée du travail, diminue de 60% le recours à la péridurale et de 40% le recours à l’ocytocine de synthèse, et fait baisser de 30% l’utilisation des forceps…. Voir https://doulas.info/les-benefices-de-laccompagnement-a-la-naissance/), et ceci génère des inégalités entre les familles. Celles qui ont les moyens vont pouvoir plus facilement avoir recours à cet accompagnement. Cela me gêne, vraiment. Mais comment faire, les doulas doivent aussi gagner leur vie dignement, et j’avoue que les tarifs pratiqués, lorsque je les ai découverts au début de ma formation, m’ont interpellée : quoi, 60 euros pour environ 2 heures (parfois plus car l’idée n’est pas de mettre le chrono sous peine de briser la dynamique si fragile de l’échange entre la famille et la doula), sans compter le temps de déplacement, de préparation de l’entrevue, de restitution (débrief transmis aux familles, mise par écrit des ressentis et des informations recueillies lors de l’échange), de recherches si des questions ont été soulevées, éventuellement d’accompagnement WhatsApp ou téléphone, bref, cela me paraissait vraiment pas cher payé. Certaines doulas, et je comprends au regard de l’investissement que cela représente, facturent 90 euros pour les deux heures, mais là je ne me sens pas légitime à demander une telle somme, sans doute parce que je ne l’aurais pas payée moi-même – payer 90 euros « juste » pour parler à quelqu’un dont la formation repose avant tout sur la pratique de l’écoute active (un vrai trésor mais qu’on ne valorise pas si on ne connait pas), je suis à peu près sûre que je ne l’aurais pas fait, sauf si on m’en avait fait le cadeau (à la place des vêtements taille 6 mois de grandes marques). Mais encore une fois, au regard des bénéfices et de l’investissement personnel et humain que cela représente, c’est un tarif justifié. C’est juste que je ne l’assume pas.

Le choix d’être doula, laisser le passage libre pour ma part d’irrationnel

Mais le tarif de 60 euros (l’autre extrémité de la fourchette) me dérange aussi, je suis peut-être déformée par mon ancienne vie professionnelle dans laquelle je travaillais beaucoup sous une pression importante, mais en échange d’une très bonne rémunération. Je jouissais aussi d’une expertise validée par des diplômes reconnus et j’avais des responsabilités importantes non transférables à une personne non formée et non expérimentée. On peut être doula sans certification professionnelle (et cela ne me pose pas de problème en ce qui me concerne), le plus important est d’écouter sans jugement, pleinement, de tout son cœur, bref quasiment l’opposé de ce que je faisais, où il fallait être bardé de diplômes et avoir beaucoup d’expérience pour faire des comptes en se blindant et en écoutant le moins possible les autres, pour éviter de perdre du temps (bien sûr je caricature un peu j’ai développé des relations très riches dans cette ancienne vie). Du jour au lendemain n’importe qui peut s’improviser doula. Pas responsable des normes comptables internationales. Aurais-je commis une folie en laissant échapper ce job de super experte des normes comptables et des instruments financiers pour me tourner vers un job où l’important c’est d’écouter et d’être là ? Un truc que tout le monde peut faire en fait.

Glisser d’un schéma d’exploitation à un autre ? On n’en sort jamais, alors ?

Oui, selon les normes de réussite de notre société, c’est une folie. Et cette angoisse au sujet du rapport rémunération / investissement en temps et en humanité (car, avant, ayant face à moi des tableaux excel la plupart du temps, mon humanité n’était pas trop mise à contribution, donc pas vraiment de danger de déstabilisation de ce côté-là) révèle sans doute le fait que je suis encore imbibée des schémas sociétaux imprimés en moi depuis toujours – ces multitudes d’injonctions bien connues : « travaille bien à l’école, aie de bonnes notes, fais de bonnes études, trouve un bon travail « intellectuel » bien rémunéré et que tu peux exhiber fièrement lorsqu’on te demande ce que tu fais, fonde une famille, achète un appartement, pars en vacances, et fais en sorte que tes enfants travaillent bien à l’école »…et la boucle est bouclée. Dur de se débarrasser de ces oripeaux, on nous les a enfoncés bien profondément dans la chair, comme au fer rouge. Alors j’ai flippé, j’ai eu peur de remettre le doigt dans un engrenage où je ne pourrais plus disposer de mon temps comme avant, tout en étant bien moins rémunérée qu’avant. En gros, où je me ferais spolier encore plus qu’avant. J’ai eu peur d’être face à des personnes qui « abusent » de moi, car j’ai été abusée dans mon ancienne vie, je n’entrerai pas dans les détails mais j’en ai eu la confirmation par des personnes objectives. A peine me suis-je extraite d’un schéma d’exploitation que je remettrais le pied dans un autre encore pire ?

Bienvenue dans le monde des métiers essentiels…mais dédaignés

Ça a tourné longtemps en moi cette question, et en fait elle tourne dans la tête de toutes les personnes – des femmes très majoritairement- qui se dirigent vers ces métiers par choix et non par nécessité. Au passage, quelle chance nous avons de pouvoir nous poser ces questions. Tant de personnes acceptent des emplois sous le coup de la seule nécessité et n’ont pas le luxe de se poser ces questions. Je leur rends ici un grand hommage et, face à ces personnes, j’ai un peu honte de mettre noir sur blanc mon débat intérieur qui témoigne de ma position privilégiée dans la société. Pour en avoir discuté avec certaines de mes co-stagiaires à l’Institut de Formation des Doulas de France je ne suis pas la seule à me poser ces questions. C’est le problème terrible de la rémunération du service à la personne en France, et plus largement des métiers du soin, dévalorisés malgré leur caractère essentiel. Sans toutes ces personnes qui prennent soin de nos enfants, nos aînés, nos malades, des personnes vulnérables, de la propreté des espaces où nous vivons etc. etc. …nous ne serions pas humains. Mais revenons aux doulas.

Vivre de mon travail sans renoncer à mon authenticité

Une doula peut difficilement être doula à plein temps, surtout si elle a charge de famille, un loyer à payer, des frais de déplacement…. donc les doulas, pour vivre dignement, pour que leurs familles ne subissent pas le poids économique de leur choix de vie qui est un choix de cœur, développent les services annexes, rebozo, ateliers portage, massages, bains sensoriels, chant, yoga prénatal…toutes activités permettant de générer des revenus complémentaires. En synthèse, l’activité d’accompagnement est « subventionnée » par les services annexes, alors que c’est pour l’accompagnement qu’elles ont vibré en premier lieu. Mais les services annexes, ce n’est pas trop mon truc. Donc, j’en reviens toujours au même point, quelle rémunération demander pour les accompagnements en étant convaincue que la relation est équitable ? Comment être doula en me sentant rétribuée en proportion avec le temps, l’énergie, l’humanité investies, sans aller vers l’offre de services annexes qui ne correspondent pas à qui je suis (mais qui ont tout leur intérêt – c’est juste que je ne le « sens » pas pour le moment) ? Je ne me sentirais pas pleinement authentique dans un accompagnement si je venais à conseiller un soin ou un produit que je vends par ailleurs. J’aurais peur de tomber dans le conflit d’intérêt (c’est très personnel, j’attire votre attention sur le fait qu’il n’y a là aucun jugement de ma part vis-à-vis des doulas qui le font, et j’en connais, elles sont très compétentes pour être doula et monitrice de portage, doula et spécialiste du rebozo etc. et il y a pour la femme accompagnée un réel avantage à disposer d’une doula compétente et formée dans d’autres domaines et auprès de laquelle elle peut bénéficier de services complémentaires, cela viendra en outre enrichir naturellement et sans aucun coût complémentaire sa pratique de doula).

Mais moi, ce qui me convient, ce dont j’ai envie aujourd’hui à l’orée de cette nouvelle vie, c’est de m’extraire le plus possible des mécanismes mercantiles de notre société (actionnés à toute petite échelle et de manière totalement justifiée dans le monde des doulas mais actionnés de manière extravagante à une échelle planétaire dans mon ancien monde, conduisant à des inégalités intolérables et au pillage méthodique de notre planète). Je ne veux pas avoir la moindre once d’intérêt à vendre plus que nécessaire et, si je pouvais être simplement doula bénévole, je le serais sans doute. D’ailleurs il est tout à fait possible que je le fasse ultérieurement, en parallèle des accompagnements rémunérés.

Dépasser la peur du « all-inclusive », et oser la confiance

Je suis restée quelques mois avec cette équation qui me semblait insoluble : être doula et recevoir la juste rémunération de mon investissement. Et enfin j’ai eu la réponse, elle m’est venue lorsque je ne m’y attendais pas – c’est souvent quand on a cessé de réfléchir à un problème qu’il se résout spontanément – dans la voiture qui nous ramenait à la gare à l’issue de l’un des week-ends de formation doula. J’étais à l’arrière avec l’une des formatrices, doula depuis 25 ans, œuvrant sans relâche en faveur de la reconnaissance des doulas en France. J’ai une immense admiration pour elle et toute l’équipe de formatrices et une immense gratitude pour l’extrême générosité dont elles font preuve dans la transmission de leur savoir. La discussion tournait justement autour du tarif des doulas. A l’avant il y avait deux de mes co-stagiaires, également préoccupées par le sujet – nous le sommes toutes. Et notre formatrice a dit très simplement, « moi, je facture un forfait de … euros pour un accompagnement ». Je lui demande illico : « et ça correspond à combien de rendez-vous ? » Elle me répond qu’il n’y a pas de nombre prédéfini, que c’est la famille qui gère selon ses besoins. Je suis un peu interloquée, car immédiatement (réflexe de l’ancien monde dans lequel la pratique du « all-inclusive » conduit les bénéficiaires du système à surcharger leurs assiettes au buffet à volonté et à en envoyer la moitié à la poubelle) je me dis, « mais je vais me faire bouffer si je fais ça ». Je demande lui donc : « et les familles n’abusent pas ? », dévoilant ainsi l’image déplorable que j’ai de mes congénères, qui plus est des familles que je me propose d’accompagner. Mais il fallait que je pose cette question. Elle ne semble pas surprise par cette réaction, et me répond très simplement « non, ça m’est arrivé une fois en 25 ans », et encore, lorsqu’elle a abordé le sujet avec la personne, celle-ci a reconnu le dérapage, et elle a pu ajuster le tarif en conséquence.

Et oui, parce que dans le monde des doulas existe la confiance, alors qu’elle a été détruite, dévoyée, abusée dans l’autre monde, celui des experts en normes comptables internationales. Quand on est dans une relation de confiance et de respect mutuels on peut se permettre ce genre de choses, et même on le doit, car sinon, si chaque rendez-vous est minuté, si le nombre de rendez-vous est prédéfini, on enferme la relation dans cette logique mercantile que je cherche à éviter et on retombe sans cesse dans le panneau.

Laisser la chance à l’instant

Alors j’ai décidé de proposer un forfait « accompagnement » sans nombre de rendez-vous prédéfini, et sans durée prédéfinie pour chaque rendez-vous. Car j’ai compris qu’un rendez-vous de 3 heures peut être de piètre qualité si le mental est ailleurs, si on a mal dormi, si on est dérangé par une intrusion extérieure, alors qu’un rendez-vous d’une demi-heure peut être extraordinaire. On ne peut pas savoir à l’avance, donc il faut laisser sa chance à l’instant, et pour cela quoi de mieux que de ne pas s’enfermer dans le chiffre ? Moi qui travaillais en comptabilité cela me va très bien de m’affranchir encore davantage que je ne le pensais du chiffre. Juste un montant, le prix du forfait et ensuite on se fait confiance on ne compte plus, seul l’humain compte. Mais, moi, j’ai la chance de pouvoir subventionner mon activité de doula grâce aux revenus perçus dans ma vie antérieure, ce qui est rarement le cas pour les doulas.

Longue vie aux  doulas.