
Pourquoi j’ai décidé de ne pas figurer dans l’annuaire Doulas de France
A l’issue de ma formation de doula, j’avais la ferme intention d’adhérer à Doulas de France (« DDF ») et de figurer dans l’annuaire. C’était la continuité naturelle de ma formation, deux des formatrices de l’Institut de formation Doulas de France (« l’Institut »), sont membres fondatrices de DDF, elles ont œuvré sans relâche depuis de longues années pour installer les doulas dans le paysage de la périnatalité en France, pour soutenir et redonner le pouvoir aux femmes dans leurs parcours de maternité, elles ont été parmi les personnes les plus inspirantes pour moi cette année. Forte de cette année de formation exceptionnelle par la richesse des rencontres, des contenus, des introspections, des prises de conscience parfois douloureuses mais toujours salutaires, j’avais confiance dans DDF pour m’accueillir en son sein, me soutenir dans mes premiers pas de doula…seulement voilà, ça ne s’est pas passé comme ça….
Le 4 juillet, fraîchement certifiée par l’Institut, j’adhère à DDF et je demande une reconnaissance d’équivalence de formation…je suis un peu surprise puisque j’ai justement choisi l’Institut car c’est la formation historique de doulas en France, elle a été mise sur pieds par certaines des fondatrices de DDF, et son programme de formation est la base d’évaluation des autres formations qui ont fleuri ces dernières années….donc pourquoi demander une équivalence alors que j’ai suivi l’original ? J’aurais espéré que le pont entre l’Institut et DDF soit, sinon automatique, du moins naturel et sans tracas administratifs. Seulement voilà, ce n’est que le début.
Je laisse passer l’été, très occupée par mon projet normand, et j’envoie mon certificat de doula le 2 septembre à l’équipe Equivalence et l’équipe Annuaire, ainsi qu’à la doula en charge des demandes d’information. Le 7 septembre, je reçois un mail d’une doula, envoyé depuis son adresse perso – je comprends qu’elle est bénévole à DDF via sa signature uniquement. Je la désignerai sous le terme « doula-béné ». Elle n’était pas dans la boucle de mails initiale et je ne comprends pas très bien quel est son rôle auprès de DDF. Elle me demande de retourner la charte signée et de répondre à des questions posées dans le corps du mail, redondantes avec la charte, hormis la dernière portant sur le cloisonnement entre l’activité de doula et d’autres activitiés à caractère thérapeutique – qui ne me concerne pas. Je m’exécute de bonne grâce, bien que je ne comprenne pas l’intérêt de cette paperasse complémentaire, puisque tout est déjà dans la charte, charte je signe de manière totalement éclairée puisque, lors de la formation, nous avons beaucoup abordé cette charte, deux de nos formatrices ayant été été co-rédactrices de celle-ci…nous ne pouvions pas rêver meilleure explication de texte.
Le 11 septembre, je retourne à doula-béné la charte signée, et les réponses aux questions.
Le 16 septembre, échanges sur le whatsapp de ma promo de doulas, je constate que nos demandes d’inscription dans l’annuaire sont TOUTES en souffrance à différents stades de la procédure (que nous découvrons au fur et à mesure), y compris pour celles qui ont envoyé leur certificat bien plus tôt que moi (dès juillet). Nous recoupons les réponses que nous avons reçues et constatons que nous n’avons pas toutes la même adresse mail de contact, il semble que la « bonne » (=celle qui répond) soit celle qui m’a écrit, doula-béné. Donc celles qui n’ont pas envoyé leurs documents à doula-béné décident de lui envoyer leur dossier. J’en profite pour relancer doula-béné car je n’ai pas reçu de nouvelles depuis mon mail du 11/09. Elle me répond qu’elle ne parvient pas à ouvrir la charte, mea culpa, le format des images n’est pas standard (HEIC) – je la renvoie au format JPG. Doula-béné me confirme qu’elle peut lire mon fichier et me dit qu’elle s’en occupera le lendemain. Je la remercie et suis soulagée que cela avance, et d’avoir obtenu un engagement sur un retour le lendemain (le 17/09).
Seulement….ça ne s’est pas passé comme ça. Aucune nouvelle le 17/09. Je relance le 18/09 : « Bonjour doula-béné, J’espère que tu vas bien . Peux-tu me dire quand je pourrai créer ma fiche dans l’annuaire ? Merci beaucoup et très bonne journée ! »
Pas de réponse.
Je relance de manière un peu musclée le 24/09 : « Bonjour doula-béné, je n’ai pas du tout envie de m’énerver, mais j’avoue que je commence à trouver le temps long…Peut-être as-tu oublié ? ».
Pas de réponse.
Le 9 octobre, je décide de repartir d’une page blanche et de remettre dans la boucle les personnes qui y étaient initialement.
« Bonjour à toutes,
n’ayant plus aucune nouvelle depuis plusieurs semaines concernant ma demande d’inscription dans l’annuaire je crains que celle-ci n’ait été oubliée ou perdue.
Je me permets donc de remettre dans la boucle toutes les personnes avec lesquelles j’ai été en relation au cours de ce process, au risque d’en spammer quelques-unes, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.
Vous avez normalement dans ce mail toutes les informations nécessaires afin de m’ouvrir accès à l’annuaire, à savoir : la réponse aux questions (ci-dessous), les 2 pages de la charte signées par mes soins, le certificat de doula remis par l’institut de formation doulas de France.
Je vous remercie par avance de bien vouloir faire le nécessaire afin que je puisse enfin apparaître dans l’annuaire….«
Ça marche !!! Enfin ! Et même doublement puisque, le 10 octobre, je reçois deux réponses distinctes de doula-béné, me demandant les informations pour la parution dans l’annuaire : l’une, non personnalisée, à mon mail de la veille, et l’autre à ma relance gentiment musclée du 24/09 :
« Bonjour Cécile,
Effectivement s’énerver ne changera rien….Une donnée est souvent oubliée par nos adhérentes : nous sommes toutes bénévoles et faisons du mieux que nous pouvons afin de vous combler et d’œuvrer au sein de l’association DDF. Vous êtes environ 250 adhérentes qui ne communiquent pas avec des robots mais avec des humains, au vu de notre métier le soutien, la bienveillance et la compréhension seraient plus adaptés à mon sens. Nous ne sommes pas une entreprise qui vendons nos services mais une association de passionnée qui en tout cas en ce qui me concerne y œuvre depuis 13 ans. »
Alors là, j’avoue que je me sens…un peu…non…très énervée à la lecture de cette réponse au ton jugeant et moralisateur, alors que j’ai bridé moi même au maximum l’expression de mon agacement au cours des différents échanges, justement parce que je tenais compte du fait que mes interlocutrices étaient doulas bénévoles (donc méritant double dose de bienveillance). En bonne doula qui se respecte, j’accueille mon émotion et je la contemple car elle me semble juste et digne d’être exposée, voici pourquoi :
– doula-béné me fait la morale sur ce que signifie qu’être bénévole. Or, je sais ce que c’est : j’ai été responsable du groupe scout de mes enfants durant 3 ans, assumant la fonction d’encadrement de l’équipe de chefs et de parents bénévoles, j’étais en contact régulier avec les parents des jeunes, par mail tous les soirs, parfois par téléphone, et j’ai eu à cœur d’exercer cette fonction de bénévole avec autant de professionnalisme et de dévouement que mon activité professionnelle. Alors, oui, après 3 ans j’étais rincée et j’ai passé la main, car je ne voulais pas risquer de me démotiver, de faire moins bien mon boulot de bénévole et que cela nuise au groupe scout.
– doula-béné m’accuse en filigrane de manque de compréhension alors que DDF, par la durée et le caractère fastidieux du process d’accueil des nouvelles doulas dans l’annuaire, ne témoigne guère de compréhension vis-à-vis des préoccupations de nouvelles doulas qui comptaient sur l’inscription dans l’annuaire DDF pour démarrer leur activité professionnelle et se faire connaître. Je peine à discerner le soutien et la bienveillance dans cet accueil qui nous est réservé – en résumé, nous, doulas postulantes à DDF, sommes sommées d’être gentilles et bienveillantes, mais devons nous soumettre à un traitement qui manque de compréhension et de bienveillance, que nous avons accepté jusque-là afin d’obtenir le graal de l’inscription dans l’annuaire….
– en arrière-plan, je vois le paysage des doulas tel qu’il est aujourd’hui, concurrentiel puisque mal rémunéré, non reconnu par l’Etat et les professionnels de santé, et tombant dans la jungle du business du bien-être, proposant des soins rebozo, des massages, de la peinture sur ventre, du mama blessing etc etc (toutes activités nécessaires pour subventionner les accompagnements individuels peu rémunérateurs bien que hautement bénéfiques pour la femme, le co-parent, l’enfant….bref, la SOCIÉTÉ toute entière). Au risque de me tromper, je vois des doulas déjà installées dans ce business, qui ont peut-être peur de voir toutes ces nouvelles doulas débarquer, et je peux comprendre cette peur – il n’y a sans doute pas de place pour tout le monde, trop de doulas formées suite à l’inflation sur le marché des formations de doulas, un bon filon semble-t-il….l’Institut en fait les frais cette année…et là, une autre émotion me gagne, la tristesse.
Tristesse que l’état d’esprit d’origine du beau mouvement des doulas, qui voulait redonner du pouvoir aux femmes dans leur parcours d’enfantement (et qui y a contribué), soit en cours de dilution dans le marché du bien-être….Tristesse que beaucoup de doulas se soient trouvé une petite niche qui n’embête pas les professionnels de santé rétif.ve.s à l’évolution des pratiques pour plus de coopération avec les patientes –iels ne le sont pas tous.tes, heureusement, beaucoup sont à l’écoute-, et que ces doulas se contentent de cette niche, vendant (un peu) leur âme pour exister et gagner leur croûte, et je serais très mal placée pour leur jeter la pierre, moi qui ai longtemps vendu la mienne au grand capitalisme, et qui en ai été très satisfaite durant de longues années.
Seulement voilà, lorsque j’ai tourné la page de cette vie en (très) grande entreprise, je voulais retrouver mon âme (au moins partiellement), et je ne dérogerai pas à ce vœu formulé pour moi, donc j’ai décidé d’arrêter de faire la danse du ventre pour figurer dans cet annuaire, qui en outre interdit tout lien vers site ou blog pro – un comble, s’agissant d’un annuaire pro !!
Tout cela relance à plein régime mon process de réflexion sur la manière dont je vais être doula, dans le respect de l’état d’esprit des origines….et pour cela, je sais à présent que je n’ai pas besoin de l’association DDF telle qu’elle s’est montrée durant ce processus : le manque de professionnalisme et de bienveillance dont elle a fait preuve sont pour moi rhédibitoires. En revanche j’ai besoin de ma promo de doulas et de mes formatrices, et je sais que toutes seront là pour moi, animées par le feu de la sororité et l’envie de donner aux femmes le pouvoir qui leur revient lorsqu’elles deviennent mères et traversent les étapes cruciales de leurs vies de femmes.
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Post-scriptum du 16 octobre : j’ai rédigé cet article sous le coup de la déception et de la frustration, d’où son ton assez virulent. J’ai envisagé de le supprimer, l’adoucir, le polir, et j’ai décidé de le conserver ainsi suite au commentaire d’Orphée, l’une de mes consoeurs doulas de promo, il reflétait mon état d’esprit et celui de mes réflexions à un instant « t », je l’assume et, même si la colère et l’énervement sont retombés, mes interrogations sur la place de la doula dans la société française sont bien entières. Je n’ai aucune animosité envers les doulas avec lesquelles j’ai été en relation durant le process, je n’ai repris ces échanges que parce qu’ils sont, à mon avis, révélateurs de l’impasse dans laquelle le beau mouvement des doulas est engagé : tiraillement entre militantisme au service des femmes, y compris les consœurs doulas et nécessité de gagner sa vie.
Afin de clore le sujet, voici le mail envoyé pour informer DDF de ma décision de ne pas paraître dans l’annuaire :
J’ai pris le temps de réfléchir avant de répondre à ton dernier mail.
En effet, celui-ci a confirmé les nombreux questionnements qui m’ont traversée tout au long du process d’intégration dans l’annuaire DDF. En toute sincérité, je ne me suis pas sentie accueillie, soutenue, sécurisée (et ce sentiment est partagé par plusieurs de mes doulas de promo) : la procédure est opaque, nous en découvrons les différentes étapes au fur et à mesure, ce qui empêche de se projeter (notamment les règles sur les informations à faire figurer dans l’annuaire, très restrictives, en particulier sur l’interdiction du renvoi aux sites web et autres réseaux sociaux). Il me semble que ces règles devraient être communiquées dès le début afin de savoir à quoi s’attendre. L’incertitude sur le délai de traitement du dossier, et donc de parution dans l’annuaire est très dommageable pour le démarrage de l’activité de doula – je comprends, au regard du caractère bénévole des personnes en charge, que ce délai soit long – mais un engagement pourrait être pris dès le départ (par exemple : deux mois, trois mois ou autre), ce qui permettrait de savoir à quoi s’attendre et de s’organiser en fonction. Il me semble que ce sont des besoins bien élémentaires (sécurité, information sur les règles afin de prendre sa décision de manière éclairée, délai de traitement afin d’organiser sa comm. en conséquence) qui n’ont pas été satisfaits et cela me chagrine car c’est antagoniste avec ma vision de la posture de doula.
Ma confiance dans la capacité de DDF à m’accueillir en toute bienveillance et à m’apporter du soutien était déjà bien émoussée par ce process long, fastidieux et difficile à appréhender, elle s’est évanouie je l’avoue lorsque j’ai pris connaissance de ton dernier mail que j’ai ressenti comme une injonction à faire taire mes sentiments de frustration, de déception et à accepter d’être traitée ainsi en échange d’une hypothétique inscription dans l’annuaire. Je comprends parfaitement ce qu’est le bénévolat, et ton long engagement est tout à ton honneur, et je respecte le sentiment de frustration, et peut-être d’épuisement qui ont inspiré ta réponse. J’ai moi même été bénévole il y a quelques années, au sein de l’association Scouts et Guide de France, j’étais responsable du groupe dans lequel étaient inscrits mes enfants. J’assumais la fonction d’encadrement de l’équipe de chefs et de parents bénévoles, j’étais garante du respect des règles de sécurité et de bien-être des jeunes, et j’étais en contact régulier avec les parents des jeunes, par mail tous les soirs, parfois par téléphone. Ce fut une expérience magnifique mais intense, épuisante, et après trois ans j’ai pris la ferme décision de passer la main (bien qu’aucun successeur ne se soit présenté) car je sentais le risque de mal remplir mes fonctions, de perdre patience vis-à-vis des chefs, ou des parents qui pourraient se montrer un peu pénibles, et de mal accueillir leurs difficultés.
J’ai donc décidé de me respecter, et de ne plus me soumettre à cette procédure car je commençais à y perdre ma foi dans le métier de doula.
Je ne donne donc pas suite à la demande de parution dans l’annuaire. Je pense qu’il serait logique que je sois remboursée du montant de l’adhésion, mais je n’aurai pas la force de me battre pour obtenir ce remboursement, donc je ne relancerai pas, mais ce serait tout à l’honneur de DDF de procéder à ce remboursement, et par là même de reconnaître que la promesse d’accueil et de soutien n’a pas été tenue.